Chiang Mai,  Thaïlande,  Voyage

À la rencontre des Karens

Visiter un village de femmes au long cou (de la tribu Padaung Karen) ou ne pas visiter ? S’agit-il d’exploitation humaine, ou est-ce correct de s’y rendre car le tourisme leur permet de vivre ? Difficile de trancher lorsque l’on aborde ce genre de question. Les avis à ce sujet divergent… Mais je voulais malgré tout voir. Pas dans l’idée d’un « zoo humain », simplement parce que les cultures et traditions étrangères me captivent, que j’ai beaucoup d’admiration pour ces femmes qui ont du fuir leur pays, se reconstruire ailleurs, et qui continuent à perpétrer leurs coutumes ancestrales malgré les regards bien souvent malsains ou curieux que les gens leur apposent.

Un des villages de « femmes girafes » était la dernière étape de notre journée d’excursion dans le nord du pays. C’est malgré tout avec un peu d’appréhension que je m’y rends, j’ai lu tant de choses négatives à leur égard, et notamment quant à l’existence de « faux village » ; « d’exploitation humaine » ; et j’en passe… Nous traversons de superbes paysages thaïlandais avant d’enfin arriver sur place.

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Et nous y trouvons un village tout ce qu’il y a de plus « normal ». Les enfants gambadent et jouent avec les animaux, tandis que les femmes s’exposent derrière leur stand de vente ou tissent leurs étoffes. J’aurais aimé discuté avec ces femmes de leur parcours, leur expérience de vie incroyable, mais ma timidité et la barrière de la langue m’en empêche. À la place, nous discutons par l’intermédiaire de notre guide. Elle nous avoue qu’elle se fait souvent incendier de proposer une telle excursion, nombreux sont les touristes qui s’offusquent et trouvent que cela manque d’éthique.

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Et pourtant… Les Karens sont de base issues de la Birmanie (Myanmar), qu’elles ont fui suite à des conflits militaires pour venir s’installer en Thaïlande à la fin du siècle dernier. Grâce à des accords gouvernementaux, elles reçoivent des subsides en échange de quoi elles contribuent au tourisme local.

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Au final, il s’agit juste d’un village marchand comme on en trouve tant d’autres en Asie. La seule différence, c’est que l’on est servi par des femmes arborant de nombreux anneaux autour de leurs cous. Elles vendent de l’artisanat, on peut les voir tisser des étoffes ; elles vendent aussi des babioles « made in china« , il faut bien survivre après tout. Nous discutons un peu avec notre guide aux côtés de l’une de ces femmes (il semblerait d’ailleurs que nous soyons les seuls du groupe à nous y intéresser et à ne pas les voir comme des « bêtes de foire »…), elle nous explique que cela fait si longtemps qu’elles ont quitté la Birmanie que ce serait difficile pour elles d’y retourner quoi qu’il en soit. Leurs enfants sont nés en Thaïlande, scolarisés dans la région et parlent la langue du pays, elles se sont reconstruites là-bas.

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Le port des anneaux est une tradition culturelle qui date d’il y a longtemps. Ces tribus vivaient jadis dans la jungle, et pour lutter contre les prédateurs – notamment les tigres -, elles portaient des anneaux de sorte à ne pouvoir être attaquées. À l’heure actuelle, j’imagine que si la tradition se poursuit, c’est pour des raisons esthétiques mais surtout pour des raisons culturelles, pour sauvegarder leur héritage, parce qu’après tout, c’est de là qu’elles viennent.

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Les anneaux sont d’ailleurs très lourd – pour les touristes, elles ont des demi-colliers que l’on peut placer devant son cou (je ne partagerai pas de photo parce que j’ai l’air obèse dessus mais on nous a fait tester ^^), et rien que ça, c’est déjà difficile à porter. Elles dorment et se lavent avec ; il leur arrive de temps en temps de les retirer pour les nettoyer mais c’est très rare.

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Quand la guide discute avec l’une de ces femmes, on peut la voir esquisser un sourire. Je me promène parmi les stands de vente, elles vaquent à leurs activités, et me sourient lorsque je passe devant elle. À l’arrière des paillotes, on peut apercevoir leurs habitations.

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Faut-il boycotter ce genre de village, ou contribuer à leur exploitation en les visitant ? Vaste question… Il est clair que leur tradition est exploitée à des fins touristiques. Mais il est clair aussi que cela leur permet de vivre, de subvenir à leurs besoins, de scolariser leurs enfants et de mener une vie tranquille. Est-ce pire que les migrants de chez nous, qui sont traités comme des indésirables ? Ils ont fui un pays en guerre, n’ont nulle part où aller, on jette leurs biens et on menace de prison ceux qui s’aventurent à les accueillir chez eux. Et ce n’est pas mieux ailleurs. En Turquie par exemple, les jeunes réfugiés syriens sont exploités dans les usines textiles…

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Je pense que tout est à nuancer. Bien sûr, les personnes qui viennent les voir comme des curiosités humaines, des « bêtes de foire », c’est clairement malsain. Avec mon look excentrique, je sais ce que c’est, d’être regardé de travers, dans l’incompréhension la plus totale. J’ai aussi pu assister à ce phénomène « bête de foire » il y a plus de 10 ans, en visitant Harajuku un dimanche, avec les jeunes Lolitas qui semblaient être de véritables attractions touristiques.

Mais pour ceux qui prennent la peine de s’intéresser à ce qu’elles sont, ça reste une façon de vivre tout en partageant leur culture, leur art, leur tradition. Je trouve leur position largement plus confortable que celle des migrants de chez nous : elles ont un gagne-pain, un village et peuvent s’épanouir dans leur vie familiale…

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Les boycotter reviendrait à les priver de leur source de revenu, et donc à les renvoyer à une situation précaire où elles risqueraient d’être chassées puisque ne représentant plus de réel intérêt pour le pays. Compliqué, dès lors, de trancher. Je pense que ce genre de lieu se visite en ayant conscience des tenants et aboutissants, du négatif comme du positif que cela implique.

Nous avons bien sûr acheté quelques souvenirs sur place – c’est la meilleure façon de les encourager et de s’assurer que notre argent leur revienne directement- avant de repartir.

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J’aurais tant aimé discuter d’avantage avec elles, j’aurais eu mille questions à poser, mais je me suis contentée de passer de stand en stand en leur adressant mon plus beau sourire sincère et défait de tout jugement.

Et voilà qu’il est l’heure de reprendre la route… Petite photo sur le vif de notre guide Wan :

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Nous reprenons la route en direction de Chiang Mai, contemplant le soleil couchant.

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À noter que nous avions réservé notre journée d’excursion à l’aéroport, mais notre guide de ce jour possède une page Facebook et si vous souhaitez visiter le Nord de la Thaïlande, je vous conseille de passer par elle 🙂

Plus de photos (cliquez pour voir en entier) :

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