Bouts de vie,  Réflexion

[Court-Métrage] DANS MA TÊTE

Vous connaissez l’histoire du clown triste ? Il se donne corps et âme pour divertir mais tandis que toi tu ris, lui dépérit. Aujourd’hui, je ne vais pas vous raconter quelque chose de drôle. Aujourd’hui, je vais vous raconter mon histoire.


Je ne suis pas dépressive.

 C’est juste une mauvaise phase. C’est juste la fatigue. C’est un problème de thyroïde. C’est parce que je travaille beaucoup. C’est à cause du mauvais temps. C’est une carence en vitamines.

 Je ne suis pas dépressive.

 L’un des principaux problèmes de la dépression, c’est le déni. On se trouve des excuses. On se voile la face. On s’obstine. On se dit que ça passera. Après tout, c’est juste « dans la tête », n’est-ce pas ? Un peu de volonté, et ça ira mieux…

 L’autre problème, c’est que la dépression est encore trop stigmatisée. C’est du cinéma. Ce n’est pas si grave. C’est pour les fainéants. Allons bon, pourquoi serais-tu dépressif.ve, tu as tout pour être heureux.se !

Personne n’a honte de se casser un bras, de contracter un virus ou de se battre contre le cancer.

 Quand il s’agit de la dépression, par contre… C’est un tabou. Ça fait honte. C’est pour les faibles, les pleutres, les plaintifs, les pleurnichards.

Pourtant, la dépression EST une maladie. Et une putain de maladie mortelle.

La dépression touche environ un individu sur 5 dans nos pays. Une personne met fin à ses jours toutes les 40 secondes à travers le monde. La première cause de suicide est la dépression. En Belgique, le suicide est la 2e cause de mortalité chez les 15-24 ans.

 Troubles de l’appétit, troubles du sommeil, troubles de la concentration, troubles digestifs, dévalorisation, démotivation, crises de larme, crises d’angoisses, pensées sombres, idées suicidaires, paranoïa, agressivité, violence, automutilation… Les symptômes peuvent être nombreux.

 Si le déni fait partie de la maladie, notre société stigmatisante, qui considère que si tu AS tout ce qu’elle te demande d’avoir, tu devrais ÊTRE heureux, ne fait que renforcer ce déni chez les individus qui n’ont pas de raison « directe » d’être dépressif (deuil, perte d’emploi, séparation, …).

 On oublie trop souvent une chose : AVOIR et ÊTRE sont deux mots différents. Ce n’est pas parce que tu AS, que tu ES. Ce n’est pas parce que tu ES, que tu AS. Le fait « d’avoir » ne te dispense pas « d’être » mal dans ta tête.

Il y a autant de formes de dépression qu’il n’y a de dépressifs. Certaines sont passagères, d’autres sont coriaces. Mais dans tous les cas, il est primordial de détecter les signaux à temps pour une bonne prise en charge.

 J’ai vu tellement de personnes dans mon entourage se foutre en l’air bêtement et se mettre dans des états indécents parce qu’elles refusaient toute aide. Parce qu’admettre la réalité, c’est dur. Ça fait mal. On se sent tellement coupable, coupable de ne pas être plus fort, coupable de ne pas parvenir à s’en sortir, coupable de se sentir si mal alors que pourtant on a tout pour être heureux, coupable de ne pas garder la tête haute alors que d’autres y arrivent mieux que nous dans des conditions de vie pires que nous, coupable de n’être qu’un poids pour les autres, …

Et on se sent si fatigué, pourtant. Fatigué de se mentir. Fatigué de faire semblant. Fatigué de lutter chaque jour contre les pensées morbides envahissantes. Fatigué de sourire à notre entourage pour ne pas l’inquiéter. Fatigué de tenter de faire de notre mieux pour être quelqu’un de bien. Alors qu’au fond, on voudrait juste que tout s’arrête.

S’obstiner est inutile, et accepter la maladie, c’est déjà un premier pas vers la guérison. Au plus on se ment, au plus on s’épuise.

ON NE GUÉRIT PAS DE LA DÉPRESSION PAR LA SIMPLE VOLONTÉ.

Croyez-moi, j’ai essayé. J’ai essayé et je me suis obstinée, je me suis investie de toutes mes forces dans mon travail et dans mes passions pour me tenir l’esprit occupé et éviter de penser, je me suis convaincue que ça finirait par passer, je refusais toute aide, mon thérapeute était un charlatan quand il me disait avoir besoin de plusieurs mois d’arrêt pour me remettre, mon médecin exagérait quand elle me disait de songer à la prise médicamenteuse et me proposait du repos. Et pourtant chaque jour je me réveillais plus épuisée que la veille. J’étais de plus en plus négative et renfermée. J’en suis même venue à me montrer agressive et violente, envers autrui, envers moi-même.

 Je n’ai pas su m’arrêter à temps et ça a failli me coûter cher. Après coup, je me suis rendue compte de ma propre bêtise. Que j’avais été idiote de m’entêter. Qu’il aurait mieux valu que je mette un frein directement lorsque je sentais ma limite approcher, plutôt que de foncer dedans à toute vitesse.

Ce post n’est PAS là pour me lamenter. Je suis une petite bourgeoise égoïste, je ne suis pas à plaindre, et je ne veux pas que l’on me plaigne. La réalité c’est que j’ai peur de publier cette vidéo et ce texte, qui dévoilent intimement ce que je ressens depuis toujours. Encore à l’heure actuelle, je culpabilise énormément de ce que j’ai pu ressentir, de comment j’ai pu agir. Depuis toujours ma vie est faite de hauts très hauts et de bas très bas ; dans mes périodes de bas tout semble sans espoir ; dans mes périodes de haut – comme maintenant – je n’arrive même pas à comprendre comment j’ai pu me mettre dans de tels états alors que la vie est si belle et a tant à offrir. Je ne suis pas dupe, je sais qu’un jour ou l’autre, le monstre de la dépression reviendra m’attaquer de plein fouet ; je sais que pour le maintenir au plus loin de moi, je garderai sans doute à vie un petit cachet. J’espère juste, la prochaine fois, savoir l’identifier à temps pour ne pas commencer le combat avec ma jauge de points de vie déjà presque à plat.

Et surtout, je n’en peux plus de voir autour de moi des gens commettre les mêmes erreurs. Je n’en peux plus de voir des personnes merveilleuses se foutre en l’air alors qu’elles méritent tellement mieux.

 Vous n’avez pas à avoir honte d’aller mal.

 Vous n’avez pas à avoir honte de demander de l’aide.

 Parfois, être fort, ce n’est pas s’obstiner bêtement sur une voie qui ne mène nulle part ; mais avoir la sagesse de savoir s’arrêter à temps.

 Vous êtes fort. Vous êtes la personne la plus importante de votre vie.

 Alors si vous vous sentez mal. Si vous êtes épuisé. Si vous avez des idées suicidaires à répétition. Par pitié… Parlez-en. Ne restez pas seul. Vous êtes formidable et vous n’avez pas à avoir peur.

 Parce qu’au plus tôt vous accepterez de vous soigner, meilleures seront vos chances d’en sortir, et moins vous en garderez des séquelles. N’attendez pas 🙂

 Et n’oubliez pas : VOUS AVEZ LE DROIT D’ALLER MAL.

Sources :

https://www.preventionsuicide.be

http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/02/09/six-chiffres-cles-pour-comprendre-le-suicide-en-france_4861662_4355770.html

http://www.preventionsuicide.info/connaissances/mortalitesuicidaire.php

https://www.la-depression.org/

http://www.sciencevirale.com/sante/la-depression-endommage-le-cerveau

http://www.e-sante.fr/depression-abime-cerveau/blog/450


A PROPOS DE CETTE VIDÉO

Le texte a été rédigé en Juillet, lorsque j’étais au plus bas de la pire phase dépressive de ma vie. Je suis revenue dessus des dizaines de fois, pour corriger tantôt un mot, tantôt une virgule.

 Depuis Juillet, j’ai filmé divers morceaux de vie, de quotidien, de voyages, d’images métaphoriques. La voix off a été enregistrée en Décembre. J’ai commencé le montage, j’ai laissé en stand by.

 J’ai continué le montage, j’ai laissé en stand by.

 Finir cette vidéo a été très dur car cela me place face à mes démons que j’essaie d’enterrer. Je n’en suis pas satisfaite. Je ne suis jamais satisfaite de ce que je fais, de toute façon. Mais j’ai besoin, malgré tout, de ne pas oublier. Se souvenir, c’est éviter de replonger.

Publier cette vidéo est dur, car bien sûr, j’ai peur des conséquences. Peur que des personnes peu scrupuleuses s’en servent contre moi. Peur des insultes qui sont monnaie courante sur internet même quand on tente de faire passer un message positif. Peur que l’on m’accole à jamais l’étiquette de « dépressive » sur la tronche, parce que je ne veux pas être réduite à ça. Peur que l’on m’en parle dans la vie de tous les jours, parce que ce n’est pas un sujet dont j’aime ni ai envie de parler. Peur que cela me soit préjudiciable pour mon avenir professionnel. Peur de tout un tas de choses.

Mais j’ai envie de croire en l’importance des témoignages. Parce que moi, ça me faisait du bien, lorsque j’étais si mal, de savoir que je n’étais pas la seule. De lire que l’on peut s’en sortir, même si c’est long, même si c’est dur, même si le chemin est semé d’embûches et surtout de rechutes.

 La dépression, on en parle quand une personnalité connue met fin à ses jours, et puis on l’oublie à nouveau, la laissant ressombrer dans les jugements d’une fausse maladie pour paresseux. Pourtant, il me semble plusqu’important, à une époque où le rythme effréné imposé par nos sociétés augmente considérablement le taux de personnes dépressives, de faire de la prévention à cet égard. Alors bien sûr, « il y a pire » comme maladie. Pourtant, je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi de connaître la dépression.

Se réveiller chaque matin avec les joues humides et l’esprit encrassé de pensées morbides, luttant chaque jour pour se survivre et ne pas se noyer dans ses flots d’idées noires…

Et surtout, devoir supporter les gens qui te disent que c’est « juste dans la tête ».

La dépression, ce n’est pas « juste dans la tête ». C’est un mécanisme pervers qui s’empare de tout ton corps. Sur le long terme, la dépression peut endommager le cerveau. Divers facteurs physiques peuvent en être la cause, et les anti-dépresseurs agissent généralement sur la sérotonine pour rebooster.

 La dépression est une maladie mentale, mais elle se soigne. Et être dépressif ne signifie pas que vous êtes fou. Ni même que vous êtes faible.

 Parce qu’il en faut, de la force, pour parvenir à en sortir et à vivre avec.

La dépression n’est pas que du négatif : à chaque épisode dépressif, j’apprends à me connaître, et de ce fait, à mieux m’accepter. Mais surtout, j’apprends à faire preuve de BIENVEILLANCE à mon propre égard. Quand on essaie toujours d’être gentille avec tout le monde – ne pas juger les gens, être ouverte d’esprit, payer un verre à ses amis, faire plaisir à son amoureux, se donner à fond dans son travail, offrir une pièce et un joli sourire à un sans-abri qui mendie, pardonner à autrui, … – mais qu’on finit par s’oublier soi-même, ça ne peut pas fonctionner. Dans la vie, il est indispensable d’apprendre à être égoïste et de penser à être gentil avec soi-même, tout simplement. La remise en question est primordiale mais l’auto-flagellation constante n’amène rien de bon.

Soyez bons envers vous-mêmes. Je sais qu’apprendre à s’aimer est compliqué lorsque l’on est son pire ennemi, mais à défaut de vous aimer, essayez au moins de prendre soin de vous. De ne pas vous juger trop sévèrement. De ne pas culpabiliser pour tout, tout le temps. Se tendre une main à soi-même, c’est indispensable si l’on veut tenter de s’en sortir.

 Aujourd’hui je sais que je ne suis pas folle contrairement à ce que j’ai toujours cru, et vous n’imaginez pas à quel point ça soulage. Je suis « juste » extrêmement hypersensible… Avec des prédispositions à la dépression… Mais je ne suis pas folle.

Je sais que je devrais rester attentive à vie à la gestion de mon énergie, pour ne pas me fatiguer plus que je ne le suis déjà en permanence, mais cette phase de mal-être profond m’a permis d’accéder à une forme de clairvoyance à mon égard et ça, ça fait du bien 🙂

Prenez soin de vous ♥

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