Psychologie

Le Traumatisme Psychologique

[TW] Si vous avez été victime d’un traumatisme, cet article peut contenir des déclencheurs !

Récemment encore, je me suis rendue compte à quel point tout ce qui a trait à la psychologie est encore bien trop souvent stigmatisé et incompris.

Je contextualise : n’étant pas originaire de la région où je vis, j’ai demandé sur Facebook si quelqu’un connaissait un spécialiste dans le coin faisant du bon travail autour des traumatismes psychologiques. Très rapidement, j’ai reçu un message privé m’avisant de la « dangerosité de mon statut » qui pourrait me « porter préjudice dans le cadre d’une recherche d’emploi si un jour je perds mon job ».

Wait, what ???

En y réfléchissant, si j’avais demandé un spécialiste pour un traumatisme musculaire, je suis persuadée que je n’aurais jamais suscité une telle réaction – des statuts de ce genre, j’en vois défiler à la pelle chaque jour. Et pourtant, traumatisme musculaire et traumatisme psychologique ne sont pas si éloignés…

J’ai donc eu l’envie de faire une vidéo pour tenter de vulgariser et d’expliquer le plus simplement possible ce qu’est un traumatisme psychologique, en faisant le parallèle avec un traumatisme musculaire.

Mais je sais que certaines personnes (dont je fais partie 😉 ) préfèrent encore lire plutôt que de regarder une vidéo. Je pose donc également le texte ici !

La naissance d’un traumatisme

Lorsque vous vous cassez un os ou développez un traumatisme musculaire, cela fait généralement suite à un accident ou un mauvais mouvement. Ce n’est pas quelque chose dont vous êtes responsable ou que vous avez cherché.

C’est exactement pareil avec un traumatisme psychologique. Ce genre de traumatisme naît généralement suite au fait d’avoir vécu ou d’avoir été témoin d’une mauvaise expérience comme par exemple un accident, une agression, un attentat, une catastrophe naturelle, la guerre, la mort subite d’un proche, ou tout autre événement choquant.

Ce n’est, à nouveau, pas quelque chose dont vous êtes responsable ou que vous avez cherché.

Une jambe cassée

Imaginons que vous faites des travaux sur votre toit, vous glissez, vous faites une chute de plusieurs mètres et bardaf c’est l’embardée, pas d’bol, vous avez une jambe cassée. Vous pouvez évidemment faire comme si vous n’aviez rien, vous convaincre que vous n’êtes jamais tombé de ce toit, que c’était juste un mauvais rêve, et qu’il suffit d’oublier que c’est arrivé pour continuer votre vie bon gré mal gré comme si de rien n’était. Pourtant, votre corps va garder des séquelles, et au moindre mouvement, votre jambe va vous faire mal et vous envoyer un signal pour vous dire « eh coco, tu t’es blessé, va falloir faire quelque chose ». N’importe qui de sensé vous conseillera d’aller voir un spécialiste pour vous soigner.

Un esprit brisé

Eh bien, c’est exactement pareil avec un traumatisme psychologique. Vous pouvez tenter de vous convaincre que vous n’avez jamais vécu ou été témoin de l’événement qui vous a marqué, mais votre esprit et votre corps en gardent les séquelles, et au moindre fait qui pourra vous rappeler l’événement en question, votre corps vous fera sentir que votre esprit est blessé. Plutôt que d’inciter la victime à ne surtout pas en parler, le plus logique serait plutôt de l’inciter à voir un professionnel et l’encourager dans sa démarche, non ?

On répare un os cassé, on répare un esprit brisé.

Le problème, c’est qu’à la différence de la jambe pour laquelle la fêlure sera visible sur une radio, les maux de l’esprit sont, eux, imperceptibles, et beaucoup plus insidieux.

Lorsque vous vous faites mal quelque part, il y a plusieurs degrés de gravité possibles. Certains s’en sortiront avec juste une cheville foulée, d’autres auront carrément la jambe cassée.

C’est pareil avec un traumatisme psychique. Selon la nature de l’évènement choquant mais aussi selon les antécédents de la victime du traumatisme, il y a différents niveaux de gravité.

La réaction du cerveau

Pour commencer, lorsque l’on est exposés à une expérience choquante, stressante, le corps va produire une réponse qui n’est non pas psychologique comme on pourrait le croire, mais bien physiologique. Le cerveau met tout simplement en place un mécanisme de défense en libérant des neurotransmetteurs comme l’adrénaline.

C’est d’ailleurs pour ça que lors d’une agression de quelle que nature qu’elle soit, certaines victimes sont parfois dans l’incapacité de réagir : c’est ce qu’on appelle un état de sidération, le cerveau va bloquer tous les processus psychiques, ce qui empêche la victime de penser, et elle se retrouve comme pétrifiée.

Traumatisme simple

Après un évènement traumatique, il est fréquent d’avoir un syndrome de reviviscence, c’est-à-dire que l’on va revivre l’évènement en boucle par le biais de flashbacks et de cauchemars.

Par exemple, les jours suivants mon accident de voiture, j’avais du mal à m’endormir, les images de l’accident tournaient encore et encore dans ma tête, je sursautais au moindre bruit, j’étais dans un état émotionnel intense. Tous mes sens étaient alertes car j’étais encore sous le choc. Mais l’accident n’était pas si grave, je n’ai pas été blessée et au final, tout ça a fini par passer, le temps que mon esprit s’en remette.

C’est généralement ce qui se passe après un traumatisme simple. Les réactions du corps vont se faire sur le moment et dans les jours suivants l’exposition à l’évènement, mais les flashbacks vont disparaître graduellement et on ne gardera pas vraiment de séquelles. Ce genre de traumatisme ne nécessite donc pas de suivi particulier.

ESPT

Là où c’est problématique, c’est lorsque les manifestations surviennent ou se poursuivent des mois voire des années après l’événement qui les a causées. Le traumatisme se mue alors en ESPT, c’est-à-dire en État de Stress Post-Traumatique, et peut s’accompagner de nombreux symptômes.

La victime aura de nombreux flashbacks, des pensées envahissantes, des cauchemars, des insomnies, mais pourra aussi développer une anxiété généralisée, des crises d’angoisse, une paranoïa, une hypervigilance, un détachement émotionnel et de nombreux autres troubles anxieux ou neurophysiologiques qui tendent à grandement détériorer la qualité de vie.

Bien sûr, la mémoire traumatique fonctionnera différemment d’un individu à l’autre.

Chez certains, le cerveau va effacer les événements pour protéger l’individu. C’est pour ça que de nombreux enfants victimes de viol ne sont capables d’en parler que des années après les faits, à l’âge adulte, lorsqu’une thérapie ou autre leur révèle ce que leur mémoire avait tenté d’effacer pour les préserver.

C’est ce qu’on appelle l’amnésie traumatique.

Pour d’autres personnes, il suffira parfois d’un mot, un lieu, une odeur, un visage, une association d’idées ou autre situation rappelant les faits pour que l’événement soit vécu à nouveau sous forme de flashbacks, de façon parfois même obsessionnelle : on parle alors l’hypermnésie traumatique.

Ces personnes tendront alors à mettre en place un mécanisme d’évitement, pour éviter tout ce qui peut leur rappeler leur traumatisme de près ou de loin, mais c’est une stratégie qui n’est pas viable sur le long terme car elle tendra à isoler la victime.

Il faut savoir qu’un ESPT non traité peut avoir de graves conséquences. L’ESPT peut se muer en dépression profonde, provoquer des troubles psychopathologiques, créer des dépendances à l’alcool ou à la drogue pour tenter d’oublier et de fuir les souvenirs, voire pousser au suicide.

En bref, un traumatisme psychologique peut être mortel, et c’est pour ça qu’une bonne prise en charge est super importante lorsqu’on en est victime.

Quand on a une jambe cassée ou un traumatisme musculaire, on a besoin de longs mois de rééducation pour pouvoir en retrouver l’usage… Un ESPT nécessitera lui aussi de longs mois de travail. La différence étant que malgré les avancées en neuroscience, il est beaucoup plus difficile de réparer l’esprit que de réparer un os cassé.

Certaines personnes garderont des séquelles de leur jambe cassée à vie et ce malgré la rééducation. C’est pareil pour le traumatisme. Mais en y travaillant, il sera au moins possible de diminuer le stress pour retrouver un quotidien plus ou moins normal…

Arrêter de survivre et recommencer à vivre, tout simplement.

Se soigner

Il existe différents professionnels qui pourront aider, selon ce à quoi la victime est réceptive. Certains professionnels se spécialisent en psychotraumatologie et en victimologie. Des méthodes alternatives comme l’EMDR, l’hypnose ou encore la microkinésithérapie se révèlent souvent efficace pour soigner les traumatismes.

Cela n’est cependant pas facile de faire le pas d’aller consulter, car ça demande beaucoup de confiance, confiance qui peut parfois avoir été brisée selon la nature du traumatisme, et ça demande surtout de réveiller ses souvenirs pour les exprimer, là où les victimes d’ESPT tentent à l’inverse de les oublier et de les réprimer.

On ne peut hélas pas effacer les faits, le but de la thérapie visera donc à les accepter pour que le souvenir devienne moins douloureux !

Et que l’esprit puisse se défaire de tous les sentiments négatifs liés aux faits, comme la colère, la tristesse, la culpabilité, la honte, l’injustice.

À l’issue du travail, le patient devrait pouvoir retrouver une vie plus équilibrée, moins stressante, et se défaire des flashbacks, cauchemars et autres manifestations liées au traumatisme… Tout comme le patient qui s’était cassé la jambe devrait pouvoir se défaire des douleurs pour pouvoir à nouveau marcher et courir sans peur de se faire mal 🙂


J’espère que ce petit parallèle entre traumatisme physique et traumatisme psychologique vous aura permis d’un peu mieux comprendre ce que c’est, et surtout, pourquoi c’est complètement ridicule d’inciter une victime d’un traumatisme psychologique à ne pas l’évoquer. Bien au contraire !

Au plus on en parlera, au plus on sensibilisera, au plus il deviendra facile pour les victimes de sortir de leur silence pour faire le pas d’aller voir un professionnel pour se soigner.

Ce n’est pas un mal d’avoir un accident et de se casser une jambe, personne ne devrait vous juger pour ça, tout comme personne ne devrait vous juger parce que vous avez eu le malheur d’être victime ou témoin d’un horrible événement. À nouveau, dans un cas comme dans l’autre, vous n’êtes en rien responsable. Vous ne l’avez pas choisi. Il n’y a aucune honte ou culpabilité à avoir. Et une fois que c’est arrivé, le mieux qu’il y ait à faire, c’est d’en parler à un professionnel compétent qui pourra vous aider à vous soigner et à digérer les évènements, même si ce n’est pas si simple que ça.


Je parle ici des traumatismes, mais le parallèle peut bien sûr s’appliquer à tout ce qui touche à la santé mentale. Personne ne choisit d’attraper une grippe, personne ne choisit de faire une dépression. On ne jugera pas quelqu’un qui développe un cancer, ne jugeons pas non plus quelqu’un qui développe une maladie mentale. Une maladie est une maladie. Les maladies psychiques sont des maladies valables, qui modifient la chimie du cerveau et qui malgré les avancées en neurologie restent particulièrement difficile à traiter.

Quand vous souffrez de migraines atroces, vous n’appréciez pas que quelqu’un vous dise que c’est juste dans votre tête… C’est exactement pareil pour les troubles psychiques, c’est bien plus complexe que « juste dans la tête », et il ne s’agit pas de « juste ne pas y penser » ou « d’avoir un peu de volonté » !

Cessons de stigmatiser tout ce qui a trait à la santé mentale, et encourageons plutôt nos proches à prendre soin d’eux et à se soigner.

N’oubliez pas que les maladies mentales, traumatismes et autres troubles psychologiques sont dangereusement mortels, puisqu’ils peuvent mener au suicide.

Si vous êtes mal à l’aise avec tout ça, contentez vous de soutenir vos proches, et évitez toute considération négative résultant de votre manque global d’éducation et de connaissance sur le sujet, tout le monde s’en portera mieux.

N’oubliez jamais que vous pourriez aussi, un jour, à votre tour, être victime d’un événement traumatisant, alors traitez vos proches comme vous aimeriez être traité si cela devait vous arriver !

Éduquez-vous, et prenez soin de vous et de vos proches 🙂


Pour en savoir plus…

Quelques liens en vrac :

Mémoire traumatique :

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